Mémorandum sur une
autonomie réelle pour le peuple tibétain
(traduit de l'anglais)
I - INTRODUCTION
Depuis la reprise des contacts
directs avec le Gouvernement central de la République populaire de Chine
(RPC) en 2002, des discussions approfondies ont eu lieu entre les
émissaires de Sa Sainteté le Dalaï Lama et les représentants du
Gouvernement central. Lors de ces discussions, nous avons mis en avant
clairement les aspirations des Tibétains. Le cœur de l'approche de la
Voie médiane est l'obtention d'une véritable autonomie pour le peuple
tibétain dans le cadre de la Constitution de la RPC. Ceci relève de la
recherche d'un bénéfice mutuel et s'appuie sur l'intérêt à long terme
des peuples tibétain et chinois. Nous restons fermement engagés à ne pas
réclamer la séparation ou l'indépendance. Nous voulons trouver une
solution au problème tibétain à travers une véritable autonomie, ce qui
est compatible avec le principe d'autonomie prévu par la Constitution de
la RPC. La protection et le développement de l'identité tibétaine,
unique par bien des aspects, sert à la fois l'intérêt de l'humanité en
général et celui des peuples tibétains et chinois en
particulier.
Lors du 7ème cycle de
discussions à Pékin les 1er et 2 juillet 2008, le Vice-président de la
Conférence consultative politique du peuple chinois et le Ministre du
Département central du Travail du Front uni, M. Du Qinglin, a
explicitement appelé Sa Sainteté à formuler des suggestions pour la
stabilité et le développement du Tibet. Le Vice-ministre exécutif, M.
Zhu Weiqun, a dit en outre qu'ils aimeraient entendre nos points de vue
sur le degré ou la forme de l'autonomie que nous recherchons ainsi que
sur tous les aspects de l'autonomie régionale dans le cadre de la
Constitution de la RPC.
Par conséquent, ce mémorandum
expose notre position sur une autonomie réelle, et comment les besoins
spécifiques de la nationalité tibétaine, en matière d'autonomie et de
prise en charge par elle-même, peuvent être satisfaits par l'application
des principes de l'autonomie tels qu'ils ressortent de notre
compréhension de la Constitution de la RPC . Sur cette base, Sa Sainteté
le Dalaï Lama est convaincu que les aspirations de la nationalité
tibétaine peuvent être satisfaits à travers une véritable autonomie à
l'intérieur de la RPC.
La RPC est un état composé de
plusieurs nationalités et, comme dans d'autres régions du monde, elle
cherche à résoudre la question de la nationalité à travers l'autonomie
et l'auto-gouvernement des nationalités minoritaires. La Constitution de
la RPC renferme les principes fondamentaux concernant l'autonomie et le
gouvernement des nationalités minoritaires par elles-mêmes, dont les
objectifs sont compatibles avec les besoins et les aspirations des
Tibétains. L'autonomie nationale régionale vise à s'opposer à la fois à
l'oppression et à la séparation des nationalités en rejetant à la fois
le chauvinisme Han et le nationalisme local. Elle est censée assurer la
protection de la culture et de l'identité des nationalités minoritaires
en leur donnant le pouvoir de devenir maîtres de leurs propres affaires.
Dans une très large mesure, les
besoins des Tibétains peuvent être satisfaits dans le cadre des
principes constitutionnels concernant l'autonomie tels que nous les
comprenons. Sur plusieurs points, la Constitution accorde des pouvoirs
discrétionnaires importants aux organes de l'Etat dans la prise de
décision et la gestion du système d'autonomie. Ces pouvoirs
discrétionnaires peuvent être exercés pour faciliter une véritable
autonomie des Tibétains de manière à répondre à la singularité de leur
situation. En mettant en œuvre ces principes, il pourrait être
nécessaire par conséquent de modifier ou de reconsidérer la législation
concernant l'autonomie afin de répondre aux besoins et caractéristiques
spécifiques de la nationalité tibétaine. Avec de la bonne volonté des
deux côtés, les problèmes qui perdurent peuvent être résolus dans le
cadre des principes constitutionnels concernant l'autonomie. De cette
manière, l'unité et la stabilité nationale et les relations harmonieuses
entre les Tibétains et les autres nationalités seront
établies.
II - LE RESPECT DE L'INTEGRITE DE LA NATIONALITE
TIBETAINE
Tous les Tibétains
appartiennent à une seule nationalité minoritaire quel que soit le
découpage administratif actuel. L'intégrité de la nationalité tibétaine
doit être respectée. C'est l'esprit, l'intention et le principe qui
sous-tendent le concept constitutionnel d'autonomie régionale nationale
autant que celui d'égalité des nationalités.
Il n'est pas contesté que les
Tibétains partagent la même langue, la même culture, la même tradition
spirituelle, des valeurs et des coutumes communes, qu'ils appartiennent
au même groupe ethnique et qu'ils ont un fort sentiment d'identité. Les
Tibétains partagent une histoire commune et, malgré les périodes de
division politique ou administrative, ils sont restés toujours unis par
leur religion, leur culture, leur langue, leur mode de vie et la
géographie unique des hauts plateaux.
La population tibétaine se
répartit sur une région géographiquement continue du le plateau
tibétain, qu'ils habitent depuis des milliers d'années et dont ils sont
les indigènes. En ce qui concerne les principes constitutionnels de
l'autonomie régionale nationale, les Tibétains de la RPC vivent en
réalité comme une seule nationalité sur toute l'étendue du plateau
tibétain.
Sur la base des raisons
ci-dessus, la RPC a reconnu la nationalité tibétaine comme une des 55
nationalités minoritaires.
III - LES ASPIRATIONS TIBETAINES
Les Tibétains ont une histoire,
une culture et une spiritualité riches et spécifiques qui constituent un
élément de grande valeur du patrimoine de l'humanité. Non seulement les
Tibétains souhaitent préserver leur propre patrimoine, qu'ils
chérissent, mais ils souhaitent également développer plus avant leur
culture, leur vie spirituelle et leur connaissance dans des voies qui
sont particulièrement adaptées aux besoins et aux conditions de
l'humanité au 21ème siècle.
En tant que composante de
l'état multi-national de la RPC, les Tibétains peuvent grandement
profiter des développements scientifiques et économiques rapides que vit
le pays. Tout en voulant participer activement et contribuer à ce
développement, nous souhaitons nous assurer que cela se fasse sans que
le peuple tibétain perde son identité, sa culture et ses valeurs
communes, et sans mettre en danger l'environnement fragile et spécifique
du plateau tibétain, auquel sont intimement liés les
Tibétains.
La singularité de la situation
tibétaine a toujours été reconnue dans le RPC et a été reflétée à
travers l'Accord en 17 points et les déclarations et politiques mises en
œuvre par les dirigeants successifs de la RPC depuis lors. Elle
devrait rester la base pour définir la portée et la structure de
l'autonomie spécifique qui doit être exercée par la nationalité
tibétaine à l'intérieur de la RPC. La Constitution renvoie à un principe
fondamental de souplesse afin de s'adapter aux situations particulières,
y compris en ce qui concerne les besoins et caractéristiques spécifiques
des nationalités minoritaires.
L'engagement de Sa Sainteté à
rechercher une solution pour le peuple tibétain à l'intérieur de la RPC
est clair et sans ambiguïté. Cette position est en conformité et en
cohérence avec la déclaration du grand dirigeant Deng Xiaoping dans
laquelle il a insisté sur le fait qu'à part la question de
l'indépendance tout pouvait être résolu à travers le dialogue. Nous nous
sommes donc engagés à respecter pleinement l'intégrité territoriale de
la RPC, en contrepartie de quoi nous attendons du Gouvernement central
qu'il reconnaisse et qu'il respecte pleinement l'intégrité de la
nationalité tibétaine ainsi que son droit d'exercer une véritable
autonomie au sein de la RPC. Nous sommes convaincus que ceci est la base
pour la résolution de nos différends permettant ainsi de promouvoir
l'unité, la stabilité et l'harmonie entre les
nationalités.
Pour que les Tibétains avancent
en tant que nationalité distincte à l'intérieur de la RPC, ils ont
besoin de continuer à progresser et à se développer sur le plan
économique, social et politique sur des modes qui correspondent au
développement de la RPC et du monde entier, tout en respectant et en
encourageant les caractéristiques tibétaines d'un tel développement.
Pour que cela se réalise, il est essentiel que le droit des Tibétains de
se gouverner soit reconnu et mis en œuvre dans la région où ils vivent
en communautés compactes dans la RPC, conformément aux besoins,
priorités et caractéristiques de la nationalité
tibétaine.
La culture et l'identité du
peuple tibétain ne peuvent être préservées et mises en valeur que par
les Tibétains eux-mêmes et par personne d'autre. Partant de là, les
Tibétains devraient être capables d'entraide, d'auto-développement et
d'auto-gestion. Un équilibre optimal doit être trouvé entre ceci
et l'assistance éclairée du Gouvernement central et des autres
provinces et régions de la RPC, qui sont nécessaires et
bienvenues.
IV - LES BESOINS DE BASE DES
TIBETAINS
Les domaines
d'auto-gestion
1) La langue
La langue est l'attribut le
plus important de l'identité du peuple tibétain. Le tibétain est le
premier moyen de communication, la langue dans laquelle sa littérature,
ses textes spirituels et ses travaux historiques et scientifiques sont
écrits. La langue tibétaine est non seulement au même niveau que le
sanscrit en terme grammatical, mais aussi elle permet une traduction du
sanscrit parfaitement et précise. Partant de là, la langue
tibétaine a vu naître une littérature que de nombreux chercheurs
s'accordent à considérer comme l'une des plus riches au monde. La
Constitution de la RPC, en son article 4, garantit la liberté de toutes
les nationalités d'utiliser et de développer leurs propres langues
écrites et parlées.
En vue de permettre aux
Tibétains d'utiliser et de développer leur propre langue, le tibétain
doit être respecté en tant que principale langue écrite et parlée. De
manière similaire, la langue principale des régions autonomes du Tibet
doit être le tibétain.
Ce principe est largement
reconnu par l'article 121 de la Constitution qui dispose que " les
organes d'auto-gestion des régions nationales autonomes emploient la
langue écrite ou parlée ou communément en usage localement ". L'article
10 de la Loi sur l'Autonomie Nationale Régionale (LANR) indique que ces
organes devraient garantir la liberté des nationalités dans ces régions
d'utiliser et de développer leurs propres langues écrites et
orales…
En cohérence avec le principe
de reconnaissance du tibétain comme langue principale dans les régions
tibétaines, la LANR (article 36) permet également aux autorités
gouvernementales autonomes de décider quelles langues doivent être
utilisée pour l'enseignement et les procédures d'inscription. Cela
implique la reconnaissance du principe selon lequel le principal vecteur
d'éducation doit être le tibétain.
2) La culture
Le but du concept d'autonomie
régionale nationale est principalement la préservation de la culture des
nationalités minoritaires. Par conséquent, la Constitution de la RPC
contient des références à la préservation culturelle dans ses articles
22, 47 et 119 ainsi que dans l'article 38 de la LANR. Pour les
Tibétains, la culture tibétaine est étroitement liée à leur religion,
leur tradition, leur langue et leur identité, qui sont confrontées à des
menaces à différents niveaux. Puisque les Tibétains vivent dans l'état
multi-national de la RPC, ce patrimoine culturel tibétain spécifique
doit être protégé à travers des dispositions constitutionnelles
appropriées.
3) La religion
La religion est fondamentale
pour les Tibétains et le bouddhisme est étroitement lié à leur identité.
Nous reconnaissons l'importance de la séparation entre l'Eglise et
l'Etat mais celle-ci ne devrait pas remettre en cause la liberté et la
pratique religieuse des croyants. Pour les Tibétains, il est impossible
de concevoir la liberté personnelle ou collective sans la liberté de
pensée, de conscience et de religion. La Constitution reconnaît
l'importance de la religion et protège le droit de la pratiquer.
L'article 36 garantit pour tous les citoyens le droit à la liberté de
croyance religieuse. Nul ne peut contraindre autrui à croire ou à ne pas
croire en une religion quelconque. La discrimination sur la base de la
religion est interdite.
Une interprétation de ce
principe constitutionnel à la lumière des standards internationaux
couvrirait également la liberté dans la façon de pratiquer une religion.
Cette liberté couvre le droit des monastères d'être organisés et gérés
selon la tradition monastique bouddhiste, de prodiguer des
enseignements et d'intégrer un nombre libre de moines et de nonnes quel
que soit leur âge, conformément à ces règles. La pratique normale de
l'organisation des enseignements publics et la possibilité de grands
rassemblements sont aussi couvertes par cette liberté. L'état ne doit
pas interférer dans les pratiques et traditions religieuses, tel le
rapport maître-disciple, la gestion des institutions monastiques et la
reconnaissance des réincarnations.
4) L'enseignement
Le désir des Tibétains de
développer et d'administrer leur propre système éducatif en coopération
et en coordination avec le Ministère de l'Education du Gouvernement
central est soutenu par les principes énumérés dans la Constitution en
matière d'enseignement. Il en est de même pour l'aspiration à s'engager
et à contribuer au développement de la science et de la technologie.
Dans le développement scientifique international, nous notons la
reconnaissance croissante de la contribution bouddhiste à la science
moderne dans les domaines de la psychologie, de la métaphysique, de la
cosmologie et du fonctionnement de l'esprit
humain.
Alors qu'aux termes de
l'article 19 de la Constitution, l'Etat prend la responsabilité globale
d'assurer l'enseignement aux citoyens, l'article 119 reconnaît le
principe selon lequel " les organes d'auto-gestion des régions autonomes
nationales administrent en toute indépendance les affaires (…)
éducatives dans leurs régions respectives ". Ce principe est également
repris dans l'article 36 de la LANR.
Puisque le degré d'autonomie
dans la prise de décisions est flou, le point à souligner est que les
Tibétains doivent avoir une véritable autonomie en ce qui concerne leur
éducation, et ceci étant soutenu par les principes constitutionnels
concernant l'autonomie.
En ce qui concerne l'aspiration
à participer et contribuer au développement de la connaissance
scientifique et de la technologie, la Constitution (article 119) et la
LANR (article 39) reconnaissent clairement le droit des régions
autonomes à développer la connaissance scientifique et la
technologie.
5) La protection de
l'environnement
C'est au Tibet que se trouvent
les sources des grands fleuves d'Asie. S'y trouvent également les
montagnes les plus élevées du monde ainsi que le plus haut et le plus
vaste plateau, riche en ressources minérales, forêts anciennes et de
nombreuses vallées profondes préservées de toute perturbation
humaine.
Cette pratique de la protection
environnementale fut enrichie par le respect traditionnel du peuple
tibétain pour toutes les formes de vie, qui interdit de nuire aux êtres,
que ce soient les humains ou des animaux. Autrefois, le Tibet était une
région reculée et sauvage, intacte dans un environnement naturel unique.
Aujourd'hui, l'environnement
traditionnel du Tibet souffre de dégâts irréparables dont les effets
sont particulièrement notables dans les prairies, les terres agricoles,
les forêts, les ressources en eau et la faune.
Etant donné ceci et,
conformément aux articles 45 et 66 de la LANR, le peuple tibétain
devrait se voir confier le droit de gérer l'environnement, ce qui lui
permettrait de poursuivre ses pratiques traditionnelles de
préservation.
6) L'utilisation des ressources
naturelles
En ce qui concerne la
protection et la gestion de l'environnement naturel et l'utilisation des
ressources naturelles, la Constitution et la LANR ne reconnaissent qu'un
rôle limité aux organes d'auto-gestion des régions autonomes (voir la
LANR articles 27, 28, 45, 66 ainsi que l'article 118 de la Constitution,
ce dernier garantissant que l'Etat " doit porter une attention
particulière aux intérêts des régions autonomes nationales "). La LANR
reconnaît l'importance pour les régions autonomes de protéger et
développer les forêts et les prairies (article 27) et de " donner la
priorité à l'exploitation raisonnée et l'utilisation des ressources
naturelles que les autorités locales ont le droit de développer ", mais
uniquement dans les limites des plans nationaux et des règles
juridiques. En réalité, le rôle central de l'Etat dans ces questions est
reflété dans la Constitution (article 9).
Les principes d'autonomie
énoncés dans la Constitution ne peuvent pas, de notre point de vue,
vraiment mener les Tibétains à devenir maîtres de leur propre destin
s'ils ne sont pas suffisamment impliqués dans la prise de décisions
quant à l'utilisation des ressources naturelles comme les ressources
minérales, l'eau, les forêts, les montagnes, les prairies,
etc.
Le développement des ressources
naturelles, les impôts et les recettes de l'économie d'une région
découlent des terres qui appartiennent à son peuple. Il est donc
essentiel que le peuple d'une région ait l'autorité légale de transférer
ou de louer les terres, sauf celles qui appartiennent à l'Etat. De la
même manière, la région autonome doit avoir l'autorité indépendante pour
formuler et mettre en œuvre des projets de développement en parallèle
avec les projets de l'Etat.
7) Le développement économique et le
commerce
Au Tibet, le développement
économique est souhaité et nécessaire. Le peuple tibétain vit dans une
des régions les plus arriérées de la RPC.
La Constitution reconnaît le
principe selon lequel les autorités autonomes ont un rôle important à
jouer dans le développement économique de leur région étant donné les
caractéristiques et besoins locaux (article 118 de la Constitution,
également posé dans l'article 25 de la LANR). La Constitution reconnaît
également le principe d'autonomie dans l'administration et la gestion
des finances (article 117, et article 32 de la LARN). En même temps, la
Constitution reconnaît l'importance de fournir le financement et
l'assistance de l'Etat afin d'accélérer le développement (article 122,
et article 22 de la LANR).
D'une manière semblable,
l'article 31 de la LANR reconnaît la compétence des régions autonomes,
et surtout à celles qui, comme le Tibet, sont contiguës à des pays
étrangers, de faire du commerce international transfrontalier ou autre.
La reconnaissance de ces principes est importante pour la nationalité
tibétaine étant donnée la proximité de pays étrangers avec lesquels le
peuple tibétain a des affinités culturelles, religieuses, ethniques et
économiques.
L'aide accordée par le
gouvernement central et les provinces procure des avantages provisoires
mais sur le long terme, si le peuple tibétain n'est pas auto-suffisant
et qu'il devient dépendant des autres, cette aide pourra se révéler
néfaste. Un objectif important de l'économie est donc de rendre le
peuple tibétain auto-suffisant sur le plan économique.
8) La santé publique
La Constitution envisage la
responsabilité de l'Etat dans la fourniture de services médicaux et de
santé (article 21). L'article 119 reconnaît que ceci est un domaine de
responsabilité des régions autonomes. La LANR (article 40) reconnaît
également le droit des organes d'auto-gestion des régions autonomes de "
prendre des décisions indépendantes sur les projets de développement des
services de santé et d'amélioration de la médecine moderne et
traditionnelle des nationalités ".
Le système de santé existant ne
couvre pas de manière adéquate les besoins de la population tibétaine
rurale. Selon les principes des lois mentionnées ci-dessus, les organes
autonomes régionaux doivent avoir les compétences et les ressources pour
couvrir les besoins de santé de tout le peuple tibétain. Ils doivent
également se voir attribuer les compétences pour promouvoir les systèmes
traditionnels tibétains médicaux et cosmologiques, conformément à la
pratique traditionnelle.
9) La sécurité publique
Dans le domaine de la sécurité
publique, il est important que la plupart des membres de la force
publique soient issus de la nationalité locale s afin qu'ils comprennent
et respectent les traditions et les coutumes locales.
Il est essentiel que l'autorité
décisionnelle soit entre les mains des responsables locaux tibétains.
Un aspect important de
l'autonomie et de l'auto-gestion est la responsabilité de l'ordre public
interne et de la sécurité des régions autonomes. La Constitution
(article 120) et la LANR (article 24) reconnaissent l'importance de
l'implication locale et autorisent les régions autonomes à organiser
leur sécurité dans le cadre du " système militaire et des besoins de
l'Etat et l'approbation de Conseil d'Etat ".
10) La régulation de la migration de
populations
L'objectif fondamental de
l'autonomie régionale nationale et de l'auto-gestion est de préserver de
l'identité, de la culture, de la langue (et ainsi de suite) de la
nationalité minoritaire et de s'assurer qu'elle soit maître de ses
propres affaires. Quand cela s'applique à un territoire particulier où
la nationalité minoritaire vit dans une (ou des) communauté(s)
concentrée(s), le principe même et le but de l'autonomie régionale
nationale sont ignorés si la migration sur une grande échelle et
l'instauration de la nationalité majoritaire Han (et d'autres
nationalités) est encouragée et autorisée. Les changements
démographiques majeurs qui résultent d'une telle migration auront pour
effet d'assimiler plutôt que d'intégrer la nationalité tibétaine au cœur
de la nationalité Han, et peu à peu éteindront la culture distincte et
l'identité de la nationalité tibétaine. De plus, l'arrivée d'un grand
nombre de Han et de membres d'autres nationalités changera
fondamentalement les conditions de l'exercice de l'autonomie régionale
puisque les critères constitutionnels pour l'exercice de celle-ci, à
savoir que la nationalité minoritaire " vive en communauté compacte "
sur un territoire particulier, seront changés et sabotés du fait des
mouvements et transferts de population. Si de telles migrations et
installations continuent sans être contrôlées, les Tibétains ne vivront
plus dans des " communautés compactes ", et n'auront plus droit, selon
la Constitution, à l'autonomie régionale nationale. Ceci enfreindrait
les principes même de la Constitution dans son approche des
nationalités.
Il y a un précédent dans la RPC
quant à la restriction de migration ou de résidence des citoyens. On ne
reconnaît que d'une manière très limitée le droit des régions autonomes
d'élaborer des mesures pour contrôler la population de passage dans ces
régions. Pour nous, il serait vital que ces organes autonomes
d'auto-gestion aient l'autorité de réglementer la résidence,
l'installation, l'emploi ou l'activité économique des personnes qui
souhaitent emménager dans les régions tibétaines en provenance d'autres
régions de la RPC, afin de s'assurer que soit respectée la réalisation
des objectifs du principe d'autonomie.
Il n'est pas dans notre
intention d'expulser les non-tibétains qui se sont installés de manière
permanente au Tibet et ont vécu et grandi là depuis un temps
considérable. Notre inquiétude vient de ce que le mouvement massif en
cours dans de nombreuses régions du Tibet est principalement Han (et
d'autres nationalités), ce qui perturbe les communautés existantes et
marginalise la population tibétaine, tout en menaçant le fragile
environnement naturel.
11) Les échanges culturels, éducatifs et religieux avec
d'autres pays
En plus de l'importance des
échanges et de la coopération entre la nationalité tibétaine et les
autres nationalités, provinces et régions de la RPC sur les questions
d'autonomie, telles que culture, art, éducation, science, santé
publique, sports, religion, environnement, économie et ainsi de suite,
le pouvoir des régions autonomes de mener de tels échanges avec des pays
étrangers est également reconnu dans la LANR (article
42).
V -
APPLICATION D'UNE SEULE ADMINISTRATION POUR LA NATIONALITE TIBETAINE AU
SEIN DE LA RPC
Afin que la nationalité
tibétaine puisse se développer et fleurir avec son identité distincte,
sa culture, et sa tradition spirituelle à travers l'exercice de
l'auto-gestion, sur la base des besoins tibétains tels que mentionnés
avant, la communauté entière, y compris les régions désignées par la RPC
comme régions autonomes du Tibet, devrait être considérée comme une
seule entité administrative. Les divisions administratives actuelles, en
conséquence desquelles les communautés tibétaines sont gérées et
administrées par différentes provinces et régions de la RPC, encouragent
la fragmentation, promeuvent un développement inégal et affaiblissent la
capacité de la nationalité tibétaine à protéger et promouvoir son
identité commune culturelle, spirituelle et ethnique. Au lieu de
respecter l'intégrité de la nationalité, cette politique en promeut la
fragmentation et ne respecte pas l'esprit de l'autonomie. Alors que
d'autres minorités importantes telles que les Mongols ou les Ouïghours
se gouvernent elles-mêmes au sein de leurs régions autonomes
respectives, les Tibétains restent comme s'ils étaient plusieurs
nationalités minoritaires plutôt qu'une seule.
Rassembler tous les Tibétains
vivant dans les régions désignées comme régions autonomes du Tibet sous
une entité administrative unique est entièrement conforme au principe
constitutionnel contenu à l'article 4, aussi présent dans la LANR
(article 2), selon lequel " l'autonomie régionale est pratiquée là où
les populations des minorités nationales vivent en communautés
concentrées ". La LANR qualifie l'autonomie régionale nationale comme la
" politique de base adoptée par le Parti communiste de Chine comme
solution à la question nationale en Chine " et explique son sens et son
intention dans la Préface :
Les nationalités minoritaires, sous la direction
unifiée de l'état, pratiquent l'autonomie régionale dans des régions
où ils vivent en communautés concentrées et mettent en
place des organes d'auto-gestion pour l'exercice du pouvoir de
l'autonomie.L'autonomie nationale régionale incorpore le respect
plein de l'Etat et garantit le droit des nationalités minoritaires
d'administrer leurs affaires internes et son adhésion au principe d'égalité,
d'unité et de prospérité commune de toutes les
nationalités.
Il est clair que la
nationalité tibétaine au sein de la RPC ne sera effectivement en mesure
d'exercer son droit de se gouverner elle-même et d'administrer ses
propres affaires internes que si elle peut le faire à travers un organe
d'auto-gestion qui aura compétence sur la nationalité Tibétaine perçue
comme un tout.
La LANR reconnaît le principe
selon lequel les frontières des régions autonomes nationales puissent
avoir besoin d'être modifiées. Le besoin d'appliquer les principes
fondamentaux de la Constitution sur l'autonomie régionale à travers le
respect de l'intégrité de la nationalité Tibétaine est non seulement
totalement légitime, mais les changements administratifs qui pourraient
être nécessaires pour y arriver ne violent aucun principe
constitutionnel. Il y a plusieurs précédents où cela a vraiment été le
cas.
VI - LA NATURE ET LA STRUCTURE DE L'AUTONOMIE
La mesure dans laquelle le
droit à notre auto-gestion et à notre auto-administration peut être
exercé sur les questions mentionnées ci-dessus détermine largement le
caractère véritable de l'autonomie Tibétaine. La tâche à accomplir ici
est d'examiner la manière selon laquelle l'autonomie peut être
réglementée et exercée pour répondre efficacement à la situation unique
et aux besoins de base de la nationalité
tibétaine.
L'exercice d'une autonomie
véritable inclurait le droit des Tibétains à créer leur propre
gouvernement, institutions et processus gouvernementaux régionaux les
mieux adaptés à leurs besoins et caractéristiques. Il faudrait que le
Congrès du Peuple de la région autonome ait le pouvoir de légiférer sur
toutes les questions tombant dans les compétences de la région et que
d'autres organes du gouvernement autonome ait le pouvoir d'exécuter et
d'administrer ces décisions de manière autonome. L'autonomie entraîne
aussi la représentation et la participation significative dans la prise
de décisions nationales dans le Gouvernement central. Des procédures de
consultation efficace et une coopération proche ou une prise conjointe
de décisions entre le Gouvernement central et le Gouvernement régional
dans des domaines d'intérêt commun, doivent aussi être en place pour que
l'autonomie soit effective.
Un élément crucial de
l'autonomie véritable est la garantie apportée par la Constitution ou
par d'autres lois que les pouvoirs et responsabilités alloués à la
région autonome ne puissent pas être abrogés ou changés unilatéralement.
Ceci veut dire que ni le Gouvernement central ni celui de la région
autonome ne doivent pouvoir changer les éléments essentiels de
l'autonomie sans le consentement de l'autre.
Les paramètres et les éléments
spécifiques d'une telle autonomie véritable pour le Tibet, qui répondent
aux besoins uniques et aux conditions du peuple tibétain et à la région
tibétaine, devraient être élaborés en détail dans des réglementations
sur l'exercice de l'autonomie telles que prévues à l'article 116 de la
Constitution (ou l'article 19 de la LANR) ou, si cela était plus
approprié, dans des lois ou règlements séparés adoptés à cette fin. La
Constitution, y compris l'article 31, fournit la souplesse nécessaire
pour adopter les lois spéciales pour répondre aux situations uniques
telles que celle tibétaine, tout en respectant le système politique,
économique et social établi du pays.
Dans sa section VI la
Constitution envisage des organes d'auto-gestion des régions autonomes
nationales et reconnaît leur pouvoir de légiférer. Ainsi l'article 116
(mis en œuvre dans l'article 19 de la LANR) fait référence à leur
pouvoir de promulguer " des réglementations à la lumière des
caractéristiques politiques, économiques et culturelles de la
nationalité ou des nationalités dans les régions concernées ". De
manière semblable, la Constitution reconnaît la possibilité d'une
administration autonome dans un certain nombre de régions
(article117-120) aussi bien que le pouvoir des gouvernements autonomes
d'appliquer de la souplesse dans la mise en œuvre des lois et politiques
du Gouvernement central et des organes supérieurs de l'Etat pour
convenir aux conditions de la région autonome concernée (article
115).
Les dispositions juridiques
mentionnées ci-dessus contiennent des restrictions significatives sur
l'autorité de prise de décisions des organes autonomes du Gouvernement.
Néanmoins, la Constitution reconnaît le principe selon lequel les
organes d'auto-gestion adoptent des lois et des décisions de politique
qui s'adressent aux besoins locaux, et que ces lois peuvent être
différentes de celles adoptées ailleurs, y compris de celles du
Gouvernement central.
Bien que les besoins des
Tibétains soient plus ou moins en accord avec les principes sur
l'autonomie contenus dans la Constitution, comme nous l'avons démontré
leur réalisation est entravée par l'existence d'un certain nombre de
problèmes qui rendent aujourd'hui difficile ou inefficace la mise en
œuvre de ces principes.
La mise en œuvre d'une
autonomie véritable, par exemple, requiert des séparations claires des
pouvoirs et des responsabilités entre le Gouvernement central et le
Gouvernement de la région autonome en matière de compétences
respectives. Actuellement, il n'y a pas une telle clarté, et la portée
des pouvoirs législatifs des régions autonomes est à la fois incertaine
et sévèrement limitée. Alors que la Constitution reconnaît effectivement
le besoin spécifique des régions autonomes de légiférer sur de
nombreuses questions qui les touchent, par contre, les termes de
l'article 116 exigeant l'approbation préalable au plus haut niveau du
Gouvernement central via le Comité permanent du Congrès national
populaire (CNP), empêchent la mise en œuvre de ce principe d'autonomie.
En réalité, seuls les congrès
régionaux autonomes doivent se plier à une telle approbation, alors que
ceux des provinces ordinaires (non autonomes) de la RPC n'en ont pas
besoin, et se contentent d'informer simplement le Comité permanent du
CNP du vote de réglementations " aux fins d'enregistrement " (article
100).
L'exercice de l'autonomie est, qui plus
est, sujet à un nombre considérable de lois
et de règlements en vertu de l'article 115 de
la Constitution.
Certaines lois restreignent de
manière concrète l'autonomie de la région autonome alors que d'autres ne
sont pas toujours en accord les unes avec les autres. Il en résulte que
la portée précise de l'autonomie n'est pas claire et n'est pas fixée
puisqu'elle est changée de manière unilatérale par la mise en œuvre de
lois et règlements aux niveaux les plus élevés de l'Etat et même par des
changements de politiques. De surcroît, il n'existe pas de procédures
adéquates de consultation ou de règlement des différends pouvant naître
entre les organes du Gouvernement central et du Gouvernement régional
quant à la portée et à l'exercice de l'autonomie. Dans la pratique,
l'incertitude qui en résulte limite l'initiative des autorités
régionales et empêche l'exercice de l'autonomie véritable par les
Tibétains aujourd'hui.
A cette étape, nous ne
souhaitons pas rentrer dans les détails concernant ces obstacles à
l'exercice de l'autonomie véritable par les Tibétains, mais nous
souhaitons les mentionner à titre d'exemples pour que ceux-ci puissent
être envisagés de manière appropriée dans notre dialogue futur. Nous
allons continuer à étudier la Constitution et d'autres dispositions
juridiques pertinentes et, quand cela sera approprié, nous serons
heureux de fournir d'autres analyses de ces questions, telles que nous
les comprenons.
VII - LA VOIE POUR AVANCER
Comme indiqué au début de ce
mémorandum, notre intention est d'explorer comment les besoins de la
nationalité tibétaine peuvent être satisfaits au sein de la RPC dès lors
que croyons que ces besoins sont en accord avec les principes de la
Constitution en matière d'autonomie. Comme Sa Sainteté le Dalaï Lama l'a
indiqué à de nombreuses reprises, nous n'avons pas d'ordre du jour
caché. Nous n'avons aucune intention d'utiliser un accord sur
l'autonomie véritable comme un pas vers une séparation d'avec la
RPC.
L'objectif du Gouvernement
tibétain en exil est de représenter les intérêts du peuple tibétain et
de parler en son nom. Par là même, dès qu'un accord sera trouvé entre
nous, ce Gouvernement ne sera plus nécessaire et sera dissous. De fait,
Sa Sainteté a réitéré sa décision de ne pas accepter de fonction
politique au Tibet, et ce à n'importe quel moment de l'avenir. Sa
Sainteté le Dalaï Lama a l'intention néanmoins d'utiliser son influence
personnelle pour s'assurer qu'un tel accord puisse avoir la légitimité
nécessaire pour avoir le soutien du peuple
tibétain.
Etant donné ces engagements
forts, nous proposons que l'étape suivante de ce processus soit
d'accepter le fait de commencer des discussions sérieuses sur les points
soulevés dans ce mémorandum. A cette fin, nous proposons de discuter et
de nous mettre d'accord sur un (ou des) mécanisme(s) mutuellement
acceptable(s) et sur un calendrier pour y arriver
efficacement.
Administration centrale
tibétaine - Dharamsala - INDE
www.tibet.net
Traduction française
effectuée par le Bureau du Tibet, Paris (tibetoffice@orange.fr)