Au milieu des années 80, il a voyagé en Inde et a étudié
quelques mois au monastère de Drepung, au sud de l'Inde.
Entre 1988 et 1989, Jigme Gyatso a mené une organisation
secrète de jeunesse appelée "Association du Mouvement pour la liberté du
Tibet".
Le 17 janvier 1992, il a organisé une manifestation à
Lhassa, au cours de laquelle de nombreux manifestants furent arrêtés et
détenus par le Bureau de la Sécurité Publique (PSB) et les fonctionnaires du
département anti-émeutes. Jigme Gyatso ne fut pas arrêté mais les
fonctionnaires du PSB le soupçonnaient d'être impliqué et il fut mis sous
haute surveillance.
Le 30 mars 1996, Jigme Gyatso fut arrêté à Lhassa dans
le restaurant Tsongla Yangzom, dont le propriétaire, précédemment arrêté,
faisait partie de l' "Association du Mouvement pour la liberté du Tibet". Le
même jour, il fut détenu à Lhassa, suspecté par les autorités de mener des
activités politiques, ayant constitué et dirigé un groupe appelant à
l'indépendance du Tibet.
Le restaurant fut fermé lorsque les autorités découvrirent
que le restaurant était un lieu de rendez-vous de l'association.
Après son arrestation, Jigme Gyatso a tout d'abord été
emmené au poste de police de Lhassa réservé aux gens d'Amdo. Il y fut
interrogé et terriblement torturé un jour et une nuit.
Le jour suivant, il a été transféré au centre de
détention du PSB de Gutsa où il est resté sans inculpation ou jugement
jusqu'au 29 août 1996. Durant les 5 premiers mois de sa détention à Gutsa,
enfermé dans une "cellule d'interrogatoire" sombre, il fut inhumainement
battu et torturé par les policiers et les procureurs qui l'interrogeaient.
Jigme Gyatso avait été séparé des 17 autres personnes
arrêtées en même temps que lui.
Il fit preuve d'un incommensurable courage face aux
sévices corporels qu'on lui infligeait, il ne nia aucun des chefs
d'accusation et se montra fier de ses actions. Il proclama qu'il ne
regrettait rien de ce qu'il avait entrepris en faveur de la liberté de son
pays et que l'histoire future prouvera le bien-fondé de ses actes. Il fut
aussi torturé pour avoir fait passé un papier aux autres prisonniers. Ses
mains et ses pieds étaient enchaînés. Il reçu des coups de pieds mais aussi
de matraques électriques sur son dos et sa poitrine.
Jigme Gyatso réussi à faire parvenir une lettre à un
camarade dans laquelle il disait que vraisemblablement il recevrait une
longue peine de prison mais qu'il n'avait aucun regret. Il faisait allusion
à la longue peine du 10e Panchen Lama (en 1962, le Panchen Lama fut condamné
à 14 ans de prison) et à d'autres personnes qui avaient connu la prison pour
la liberté, parmi lesquelles il citait Nelson Mandela.
Jigme Gyatso a été officiellement jugé le 25 novembre
1996 à Lhassa, par la Cour Populaire Intermédiaire, accusé d'être le chef
d'un mouvement indépendantiste tibétain "contre révolutionnaire", mais aussi
pour "mise en danger de la sécurité de l'Etat" en relation avec la création
d'une organisation illégale et "incitation". Il a été condamné à 15 ans
d'emprisonnement et 5 ans de privation de ses droits politiques. Ce fut la
plus lourde sentence des membres du groupe. Les autres étaient condamnés
pour avoir mis un drapeau tibétain sur le monastère de Ganden et autres
actes de résistance pacifique.
Jigme Gyatso n'avait pas d'avocat, pensant que sa
présence n'aurait aucun effet sur le résultat du procès. Pendant son
jugement, ses quatre amis ont rapporté que Jigme Gyatso a bien parlé.
Quand le juge lui a demandé s'il regrettait ce qu'il
avait fait, il répondit : "Je n'avais pas tort, Je n'ai aucun regret,
l'Histoire est avec moi pour prouver que je n'ai pas tort. S'il vous plaît,
libérez tous mes amis. Je prends sur moi tous leurs crimes. Vous pouvez me
tuer".
Il fut conduit à la prison de Drapchi à Lhassa en avril
(ou mai) 1997 pour y purger sa peine. Quelques mois plus tard (date
difficile à déterminer, se situant vraisemblablement en septembre 1997) des
agents de la sécurité d'Amdo, sa région d'origine, vinrent interroger Jigme
Gyatso. Il fut emmené et retenu au ministère de la sécurité à Lhassa pendant
9 jours. Il y fut aussi une fois de plus torturé à outrance notamment par
des policiers saouls. Ils le frappèrent avec une bouteille de bière sur tout
le corps, le battant jusqu'à ce qu'il soit inconscient et l'ont laissé
dehors toute la journée au soleil. Pendant plusieurs jours, il n'a pas pu
bouger.
Le 20 novembre 1997, le jour du parloir, Jigme Gyatso
est sorti du groupe des prisonniers qui attendaient qu'on les appelle, pour
se mettre dans un rayon de soleil. Les gardes le plaquèrent sur le mur et le
reconduisirent dans sa cellule. Les autres prisonniers protestèrent et, à
titre de punition, personne ne fut autorisé à recevoir de visite. A cette
période, Jigme Gyatso fut aperçu la tête recouverte d'un tissu noir et
battu, mis en cellule d'isolement, puis enfermé avec les criminels,
prisonniers de droit commun.
Il a de nouveau connu la torture avec d'autres
prisonniers politiques à Drapchi, à la suite des manifestations coïncidant
avec la visite à la prison, en mai 1998, d'une délégation d'ambassadeurs de
trois pays de l'Union Européenne en place à Pékin.
Ces révoltes furent brutalement matées. On compta 8
morts et des prolongations de peines pour au moins 27 prisonniers. Jigme
Gyatso fut blessé à la tête du fait des coups reçus en punition des
manifestations du 1er et du 4 mai 1998.
Sorti de l'enceinte de la prison par les gardes qui
avaient obtenu l'autorisation officielle de "pouvoir obtenir davantage
d'informations sur son action politique" lors d'un affichage à Gansu, ils
lui attachèrent les mains dans le dos et lui firent subir des chocs
électriques sur tout le corps et le forcèrent à avouer. Jigme Gyatso refusa
car au moment de l'affichage, il était avec un ami à Lhassa. Durant 5 jours,
il n'eu ni à boire ni à manger et fut de nouveau fortement torturé.
Lorsqu'il revint à la prison de Drapchi, il pouvait à peine marcher. Il
devait se tenir au mur et son corps présentait de manière évidente des
traces de mauvais traitement.
Madame Yangchen, femme d'un de ses amis, se rendit
régulièrement à Drapchi pour rendre visite à Jigme Gyatso. La dernière
rencontre a eu lieu le 20 septembre 1998. Dans un langage codé, Jigme Gyatso
informa Yangchen qu'il a été arrêté et torturé durant les émeutes de Drapchi
en mai et en juillet. Confirmation aurait été faite à sa femme, qu'il aurait
été, entre autre, sauvagement battu sur la tête, mais également sur les
épaules et le dos.
En mai 2004, la condamnation de Jigme Gyatso a été
allongée de deux ans (ou trois ans selon l'organisation Dui Hua) après avoir
crié, en mars, des slogans favorables au Dalaï-lama alors qu'il était à la
prison de Drapchi.
Crier "Longue vie au Dalaï-lama" lui aurait valu de
recevoir des coups de pieds et d'être battu, y compris avec des matraques
électriques.
En septembre 2004, le cas de Jigme Gyatso fut évoqué
auprès des autorités chinoises au cours d'une visite à Lhassa du Groupe de
travail des Nations Unies sur les détentions arbitraires. Le Groupe de
travail avait alors établi que le cas de Jigme Gyatso était une détention
arbitraire en violation des articles 19 et 20 de la Déclaration des droits
de l'Homme, car "Toute personne a droit à la liberté de réunion et
d'association pacifiques".
26 mars 2005 : Jigme Gyatso qui
purgeait une peine de 15 ans de prison a vu sa peine allongée de 2
ans.
Avril 2005 - Réponse des autorités chinoises au
questionnaire du Congrès américain :
"M. Jigme Gyatso (ch : Yi Deng Ci Ren) né en 1961. A
suivi l'école primaire. Propriétaire d'une petite affaire au Comté de Xiahe,
Province de Gansu. Accusé de crimes de "mise en danger de la sécurité de
l'Etat" par la Cour Populaire intermédiaire de Lhassa le 25 novembre 1996 et
condamné à 15 ans de prison (30 mars 1996 - 29 mars 2011) et privé de tous
ses droits civils pour une période de 5 ans. Purge sa peine à la prison de
la Région Autonome du Tibet (même réponse qu'en septembre 2004, cette
réponse ne fait pas mention de l'allongement de peine).
En novembre 2005, le
Rapporteur spécial des Nations Unies s'est rendu dans un certain nombre de
prisons chinoises et tibétaines. Notamment à Lhassa à la prison de Drapchi,
où Jigme Gyatso était enfermé. A Manfred Nowak, il a été répondu que Jigme
Gyatso avait été déplacé, comme beaucoup d'autres prisonniers, le 12 avril
2005, vers la nouvelle prison de Qushui (Tib : Chushur) à l'ouest de Lhassa,
près de Nyethang (ch : Nidang) sur la route de Lhassa à
Shigatse.
Ce lieu de détention a été ouvert en avril 2005. C'est
une prison de plus de 300 hommes. C'est là que de nombreux anciens
prisonniers de Drapchi ont été déplacés dans le cadre de la réorganisation.
Il a été dit que la prison de Qushui est destinée aux très grands crimes
(plus de 15 ans de prison de condamnation).
Monsieur Nowak est le premier observateur international
à visiter la prison où Jigme Gyatso et d'autres prisonniers politiques sont
détenus dans le comté de Chushur (ch : Qushui).
Le Rapporteur spécial a été particulièrement sensible aux
témoignages des prisonniers disant que les moines tibétains détenus
n'étaient pas autorisés à prier et que parfois n'étaient pas autorisés à
sortir de leur cellule plus de 20 minutes par jour. Sensible aussi au fait
que les prisonniers ne pouvaient pas travailler ou faire de l'exercice et
qu'ils n'avaient rien à lire.
Les prisonniers se plaignent de la nourriture, des
températures extrêmes dans les cellules pendant les mois d'été et d'hiver et
d'un sentiment général de faiblesse à cause du manque d'exercice.
Les prisonniers ayant été transférés de la prison de
Drapchi déclarent que les conditions étaient meilleures là-bas. En
particulier que la prison manque de possibilité de travail et d'exercice
pour les prisonniers de longue peine.
Manfred Nowak a aussi noté dans son rapport que "dans
cette prison comme dans d'autres visitées au Tibet et en Chine, il existe un
niveau palpable de peur et de contrôle de soi".
Jigme Gyatso fait partie des prisonniers que le
Rapporteur a pu rencontrer, le 27 novembre 2005.
Voici son rapport sur Jigme Gyatso :
Le 30 mars 1996, il a été
arrêté et battu par l'équipe d'Investigation criminelle "condamné à 15 ans
d'emprisonnement et 5 ans de ces droits politiques" le 25 novembre 1996, par
la Cour Populaire Intermédiaire Municipale de Lhassa pour crime de "mise en
danger de la sécurité de l'Etat en relation avec la création d'une
organisation illégale".
Il déclara au rapporteur que
les mauvais traitements étaient pires à Gutsa, où il est resté un an et un
mois. Puisque les personnes avec lesquelles il était accusé avaient déjà
avoué, il se décida à avouer. Il fut alors transféré à la prison de Drapchi
en avril 1997. Lors d'un incident en mars 2004, il cria " Longue vie au
Dalaï lama ". Pour cela, il fut battu notamment à coups de pieds mais aussi
avec des matraques électriques. Ces matraques furent utilisées sur son dos
et sa poitrine. Ce fut extrêmement douloureux. Cela cessa lorsque le chef de
la police entra et y mis fin. Après cet incident sa condamnation fut
allongée de 2 ans. Il répéta que les conditions étaient meilleures à Drapchi
qu'à la prison de Quishi : meilleure nourriture, les cellules étaient mieux
faites et ventilées, et les températures à l'intérieur n'étaient pas si
extrêmes en été et en hiver. Il peut passer 3 heures et demi par jour en
dehors de sa cellule.
A la suite de cette
entrevue, voici ce que Monsieur Manfred Nowak écrit sur Jigme Gyatso dans
son rapport sur sa visite en Chine, publié le 10 mars 2006 "Puisqu'il a été
accusé de crime politique, probablement sur la base d'informations obtenues
sous la torture, le Rapporteur Spécial appelle le gouvernement (chinois) à
le libérer".
Depuis la visite à la prison
de Chushul du Rapporteur des Nations Unies en novembre 2005, Jigme Gyatso a
été maltraité et mis en cellule d'isolement dans des conditions
particulièrement strictes.
Il aurait été hospitalisé au début de l'année 2006
pendant plusieurs semaines et ne serait plus capable de marcher, étant
blessé à une jambe.
Au début de l'année 2009, Jigme Gyatso a été de nouveau
hospitalisé à l'hôpital de la prison de Drapchi à Lhassa.
Ses proches l'y ont aperçu pour la dernière fois en
février 2009. Il était très fragile et soufrait des reins. Il marche très
courbé (Source : OMCT 28 avril 2009).
Le Comité de Soutien au
Peuple Tibétain, très inquiet du sort réservé à Jigme Gyatso, demande la
libération immédiate et inconditionnelle de ce prisonnier
politique.