L'accord est signé sous la menace de l'avancement, vers le
Tibet central, des troupes communistes déjà présentes dans la région de Chamdo.
Cet accord ne sera jamais ratifié par le Dalaï-lama. Si cet accord avait été
respecté, il n'y aurait peut-être pas, aujourd'hui, de " problème tibétain
".
Le Dalaï-lama revient à Lhassa l'été
1951. Il traverse le Tibet. Là, il prend conscience de la présence importante de
l'armée chinoise et du profond mécontentement de la
population.
Nehru, Premier ministre indien, croit
qu'en signant avec la Chine, en 1954, l' " Accord des Cinq Principes ", il
assurera la paix entre les deux géants de l'Asie. Le Tibet y est reconnu comme
une région de la Chine. La même année, la route de la Chine à Lhassa est
officiellement ouverte et va permettre de mettre en œuvre les grandes
exploitations minières.
De 1954 à 1955, le Dalaï-lama est
invité par Mao Zedong à Pékin. Il y retrouve le Panchen-lama (deuxième
personnage religieux du Tibet) que les Chinois avaient réussi à séduire. Les
deux jeunes gens vont sympathiser. Le Panchen reviendra, plus tard, sur ses
déclarations d'allégeance à la République Populaire et finira ses jours en
résidence surveillée en Chine.
En 1957, Le Mimang s'organise
officiellement, entraîné à Saïpan (Philippines) par les Américains (CIA). Des
résistants sont parachutés au Mustang.
Mao, en 1958, décrète le " Grand Bond
en Avant " (nouvelle politique d'industrialisation rapide du pays qui mobilise
par la propagande et la coercition, l'ensemble de la population). Cette décision
amène la Chine au bord du gouffre. Les chiffres actuels font état de plus de 38
millions de morts et pour la première fois de son histoire, le Tibet va aussi
souffrir de la famine.
Le 10 mars 1959 voit le soulèvement
populaire des Tibétains, à Lhassa, contre l'invasion chinoise. La ville, y
compris le Potala, est bombardée par l'armée. La répression est brutale, plus de
92.000 morts, des milliers d'arrestations, de nombreux temples détruits et
pillés. Le Kashag est dissous.
Un " rendez-vous piège " fomenté contre
le Dalaï-lama, par les autorités chinoises, accule les Tibétains à décider de sa
fuite, de celle de sa famille, des membres de son gouvernement et d'environ
80.000 Tibétains. C'est l'exil, à travers les montagnes de l'Himalaya, vers
l'Inde.
Le Pandit Nehru les accueille et les
installe à Dharamsala (Nord-Est). D'autres réfugiés sont installés dans l'Etat
du Karnataka (au Sud, où beaucoup meurent de chaleur et de maladies tropicales)
ainsi qu'au Népal. En 2009, on compte 32.000 orphelins et environ 200.000
personnes dans ces camps de réfugiés.
Le 2 septembre 1960 naît la première
Assemblée des Députés du Peuple Tibétain constituée de laïcs et de religieux. La
Constitution, fondée sur la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, est
promulguée le 10 mars 1963 et appliquée par le gouvernement en exil.
Plusieurs institutions sont nées :
Ecole de médecine (Men Tse Kang), Ecole de danses et chants (TIPA),
différents " Départements " (Intérieur, Religion et Culture, Sécurité,
Education, Information et Relations internationales, Santé, Finances) et des
Commissions.
Début 1964, la France reconnaît la
Chine Populaire et établit des relations diplomatiques. Quelques orphelins
tibétains seront accueillis en France par le
Général-de-Gaulle.
La Révolution culturelle de 1966 sévit
durant dix ans. C'est le régime de la terreur avec des milliers de morts. Les
prisonniers sont victimes de tortures. Les déportés dans les camps de
travail subissent des sévices corporels. Toute la population est assujettie aux
séances de rééducation. Sur le plan culturel, plus de 6.000 monastères
vont disparaître, des centaines de milliers objets d'art en or ou argent sont
volés, fondus ou détruits.
Entre 1959 et 1980 périt plus d'un
million de Tibétains (sur 6 millions), près de 200.000 sont faits
prisonniers.
Hu Yaobang, Secrétaire général du
Parti, se rend au Tibet en 1980. Après sa visite, il reconnaît les erreurs de la
" libération pacifique " de Mao. Il estime cette politique " colonialiste ".
Pendant cette période, il essaye de
réhabiliter les personnes qui ont été persécutées et de libérer des prisonniers
Tibétains. Il demande aussi le retrait de milliers de cadres Hans (ethnie
chinoise) de la " Région Autonome du Tibet ", afin de donner aux Tibétains la
possibilité de s'autogérer.
En 1987, Hu Yaobang est démis de toutes
ses fonctions brutalement par Den Xiaoping, nouveau Secrétaire général. Une
vague de manifestations étudiantes, dont il partage les convictions
démocratiques, ont lieu fin 1986. Il est accusé d'attitude empathique envers
l'intelligentsia d'une Chine libérale qui pousse vers la liberté et les
réformes.
Les Tibétains se souviennent de Hu
Yaobang comme du seul dirigeant chinois à avoir formulé des excuses officielles
pour les actions du PCC au Tibet. Sa mort est un des éléments déclencheurs des
Manifestations de la place Tian'anmen (15 avril
1989).
Deng Xiaoping renoue le dialogue avec
le Tibet mais indique " que tout est discutable, sauf l'indépendance ". Le
Dalaï-lama accepte ce compromis, mais les négociations sont interrompues, en
1984, quand le Dalaï-lama veut inclure les anciennes provinces tibétaines du
Kham et de l'Amdo.
En 1987, le Congrès américain accuse,
pour la première fois, la Chine d'avoir envahi et occupé le Tibet en
1950.
Pour sortir de cette impasse, le
Dalaï-lama présente en septembre 1987, au Congrès des Etats-Unis, son " Plan de
paix en 5 points " :
1) Transformation de l'ensemble du
Tibet en une zone de paix ;
2) Abandon par la Chine de sa politique de
transfert de population qui met en danger l'existence des Tibétains en tant que
peuple ;
3) Respect des droits fondamentaux et des libertés
démocratiques du peuple tibétain ;
4) Restauration et protection de
l'environnement naturel du Tibet ainsi que la cessation, par la Chine, de sa
politique d'utilisation du Tibet dans la production d'armes nucléaires et
d'ensevelissement de ces déchets ;
5) Engagement de négociations
sérieuses à propos du statut futur du Tibet.
Le plan est refusé par la RPC. Les
manifestations de soutien au Dalaï-lama sont violemment réprimées. Le Dalaï-lama
reformule ce plan, le 15 juin 1988, au Parlement européen de Strasbourg et le
définit comme " solution de la Voie médiane ". Celle-ci consiste pour le Tibet
(Kham, Amdo et U-Tsang), à envisager une véritable autonomie dans le cadre de la
RPC, avec des Tibétains pleinement responsables de leurs propres Affaires
intérieures. Pékin continuerait à assumer la conduite des Affaires étrangères et
de la Défense.
La Chine refuse de reprendre le
dialogue considérant que le Dalaï-lama souhaite négocier l'indépendance du
Tibet.
Retour de la sinisation
à marche forcée (1988-2008)
Le nouveau gouverneur chinois du Tibet,
Hu Jintao, fait alors venir des milliers de soldats contre l'avis du Premier
ministre, Zhao Ziyang. Après plusieurs jours de manifestations contre le pouvoir
chinois et des centaines de victimes, Hu Jintao décrète la loi martiale, le 7
mars 1989.
Le 10 décembre 1989, le prix Nobel de
la Paix est décerné au Dalaï-lama.
Le gouvernement en exil progresse vers
la modernisation et instaure l'élection au suffrage direct (2001) du Kalon Tripa
(Premier ministre) pour un mandat renouvelable de 5 ans.
Les années suivantes voient la mise en
place d'entretiens entre des représentants de la RPC et du gouvernement en exil
sans aucune avancée.
L'année 2008 aurait pu marquer un
tournant dans l'histoire du Tibet et de la Chine à l'occasion des Jeux
olympiques de Pékin. Les Tibétains avaient mis tous leurs espoirs dans le monde
occidental et pensé que celui-ci défendrait, enfin, leur liberté et leur vie. Le
silence, rien que le silence en écho… Les intérêts économiques prennent le pas
sur la survie du peuple tibétain.
Un Mémorandum est signé par les
Tibétains en exil, réunis en assemblée à Dharamsala, en novembre 2008. Il
redéfinit les demandes légitimes du pays déjà incluses dans la Constitution de
la RPC et qui s'appliquent à toutes les " Régions autonomes de
Chine".
De nouvelles négociations
sino-tibétaines ont lieu à Genève du 6 au 8 août 2009. L'espoir d'une solution
est ténu et ne peut venir que de l'évolution politique de la Chine et du courage
des grandes démocraties (les USA, la Russie et l'Europe dont la
France).
Références utilisées pour
la rédaction :
" L'envers du décor " préface de
B. Kouchner, Ed. Olizane. " Au loin la liberté " Dalaï Lama, Ed. Calmann Lévy. "
Histoire du Tibet ", Laurent Deshayes, Ed. Fayard. " Le feu sous la neige "
Palden Gyatso, Ed. Actes Sud. " Les Guerriers de Bouddha " Mikel Dunham, Ed.
Actes Sud. Site Tibet.info. " Une chronologie de l'histoire du Tibet " Wangpo
Bashi. " Le Tibet " Christian Deweirt, Eliane Gandia, Marc Moniez, Ed. Peuples
du monde.